La
préparation du pain
dans un village du delta égyptien
(Kafr
el-Deir, Province de Charqia)
![]() Extrait de La préparation du pain dans un village du delta Égyptien de Fawzeya et Kamel RIZQALLAH Publication de l'IFAO |
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Fabrication
de la farine 1) Nettoyage des grains (tangeyyet el-hebûb) Après quoi elle passe les grains au crible (blé ou maïs). 2) Broyage des grains (tahn el-hebûb) - Elle porte le couffin sur sa tête. Le sac est porté par un âne.
3) Tamisage
de la farine (nahl el-degîg)
Préparation
de la pâte (Aguîna)
Durant ce travail, la femme de temps à autre, frotte avec ses mains
la pâte. A la question : "Pourquoi ce geste?" elle répond : "pour supprimer les poches non pétries et contenant de la farine" (lâ tekalka).
A la fin du pétrissage, la paysanne fait couler sur la surface de la pâte une très petite quantitée d'eau. Puis le mâgûr est recouvert avec le tist pour laisser la pâte fermenter. Après le
pétrissage et jusqu'à ce que la pâte fermente, les
deux dames prennent leur petit déjeuner, ensuite elles font les
travaux de ménage, lessive ou cuisine, ou vont faire des achats
au souq tout près du village. Chauffage
du four Elle commence à alimenter le foyer en tiges de maïs. Cette opération est dénommée gadh el-forn. La vieille dame remarque que la fumée est dense; elle dit : el-hatab bi aba ce qui veut dire : "le bois donne beaucoup de fumée". Le combustible de maïs fume abondamment; aussi est-il brûlé entièrement en premier. Après avoir brûlé les tiges de maïs, la dame âgée commence à alimenter le foyer avec des arbustes de cotonnier mouillés (la fumée du bois de coton est moins dense que celle du maïs). Toutes les tiges de maïs et les deux-tiers des arbustes de coton sont brûlés avant la cuisson. Au début la fumée est dense et s'échappe par la porte de la salle et par la lucarne (marûza), puis diminue petit à petit, et finit par disparaître complètement. La direction du feu est la suivante : comme l'ouverture du foyer se trouve au nord-ouest du four, l'air venant du nord chasse le feu qui se précipite sous la sole (arsa) qui s'échauffe, puis sort par l'ouverture sarûga percée dans la partie est à gauche de la sole. Une fois le four
bien chauffé, la paysanne entoure le bout du ûd
d'un chiffon mouillé et essuie la sole avant de commencer la
cuisson.
Cuisson
du pain La première s'assied par terre, le mâgûr devant devant elle, à l'est du four, à gauche de Soraya. La jeune dame s'assied, toujours par terre, en face du four, face au nord. Elle donne le dos à la porte de la salle. Le ângar contenant le son est devant elle.
La cuisson commence; la dame âgée prend dans le mâgûr un morceau de pâte plein sa paume. Elle accomplit, deux ou trois fois, un geste précis, qui consiste à projeter sa main en avant, de façon à étirer la pâte en longueur, puis à la ramasser de nouveau dans sa main. Cette façon de procéder donnera à la galette, une fois cuite, une surface bien lisse, car ces gestes donnent à la pâte une consistance égale et empêchent la formation de bulles d'air. Si la paysanne n'accomplit pas cette opération, ou bien la pâte sera épaisse, ou trop liquide, et dans les deux cas inutilisable; la galette cuite sortira du four avec des trous résultant des bulles de fermentation. Nous pouvons comparer cette manipulation à l'opération des oeufs battus, qui donne au mélange du jaune et du blanc une consistance égale. Après cette opération (tagrîs), Soraya, la jeune dame, commence ce qu'elle appelle el-rah. Voici de quoi il s'agit :
La pâte que la première femme a posée sur la matraha commence à être traitée de la façon suivante : Soraya accomplit le mouvement qui s'appelle sah pour élargir la pâte, et lui donner sa forme ronde. Ce mouvement est difficile et demande un long entraînement. La paysanne tient la matraha de la façon que nous avons décrite, un peu inclinée du côté gauche; elle commence avec sa main droite à imprimer à la matraha des secousses et des poussées légères, tout en soutenant avec la main gauche son bord de l'autre côté.
La paysanne sort le pain du four en glissant au-dessous le ûd et l'attire rapidement, une minute après son enfournement. Cette fournée à été préparée avec 10 kg.de farine de blé et de maïs; elle donne 100 pains ou regîf ês. La cuisson dure une heure : de 11h30 à 12h30. Immédiatement après sa sortie du four, le pain est empilé dans la mesanna. Une pile de 100 pains est haute de 50 cm. environ. Il arrive parfois au moment du rah, que la galette se déforme, c'est à dire qu'elle n'est pas parfaitement ronde ou que son bord se replie; les paysannes disent dans ce cas : le pain s'est déformé (el-regîf etla bat), soit à cause du peu d'expérience de la paysanne, ou à la suite d'un faux geste, ou au moment de sa projection sur la sole, ou pour toute autre raison. Ce pain ne peut être gardé longtemps; si on le laisse dans la mesanna, il moisit au bout de deux jours; aussi est-il mangé le jour même. La moisissure commence par la partie pliée qui n'a pas cuit et s'étend ensuite à tout le pain. Ces gestes (rah) ne sont pas faciles à acquérir; on m'a dit que la paysanne commence à s'y entrainer à l'âge de 12 ans et met 3 ans pour bien apprendre ces mouvements; elle y arrive donc à l'âge de 15 ans. Beaucoup de jeunes filles à la campagne se marient à cet âge, et l'une des conditions du prétendant est que sa fiancée excelle à confectionner le pain. L'ignorance de cet art ménager peut constituer un obstacle durable au mariage d'une jeune paysanne. A Kafr el-Deir
et dans la plupart des villages d'Égypte, il n'y a pas de boulangeries
: si les jeunes filles de la famille ou la mère ne savent pas
préparer le pain, où le trouveraient-elles ? Séchage
du pain Le pain est aussi grillé. Cette opération que nous décrirons un peu plus moin s'appelle : el-tagmîr. On commence à griller le pain trois jours après la cuisson. Le pain séché (meladden) est un complément du pain grillé (megammar), ou bien parceque la paysanne n'a pas grillé une quantité suffisante de pain, ou parcequ'elle n'a pas eu du tout le temps de griller du pain pour le repas, enfin parcequ'il y a des personnes qui préfèrent le pain séché au four. Nous résumons
: à partir du troisième jour après la cuisson on
grille le pain de repas et l'on complète avec du pain sec. Grillage
du pain La paysanne met deux pains sur la sâga, l'un sur l'autre. Elle chauffe le kânûn avec de la paille ou du bois de coton et y pose la sâga. Il y a aussi deux autres moyens pour griller le pain où la paysanne n'utilise pas le kanûn : Dans ces deux
cas, la sâga n'est pas employée. Fawzeya et Kamel RIZQALLAH | |||||||||